Ce que je fais

Extrait de mon journal

Dorénavant, je tenterai de défendre les positions suivantes :

– pas d’éclairage sur mes sculptures : éclairées, elles deviennent des joyaux négociables. Mes sculptures ne sont pas des objets. Elles ne sont pas réalisées pour être vendues.

– Ce que je fais est un rituel. Il n’a d’autres fins que celle d’être réalisé pour lui-même, de m’extraire de la vie quotidienne, de me rapprocher des mystères, de m’aider à voir au-delà du visible.

– Ce que je fais n’est pas destiné à s’adapter à un autre lieu que celui où il a vu le jour. Donc pas d’exposition ailleurs qu’à Ferrières, ou à tout le moins, le moins de déplacement possible. L’art c’est quelque chose que l’on va voir, ce n’est pas une chose avec laquelle on vit. Si c’était le cas, il serait essentiellement décoratif, ce que je conteste.

– Ce que je fais est le plus souvent mat, rugueux, fragile.

– Ce que je fais ne cherche pas à plaire. S’il plaisait, du premier coup, à un nombre élevé de personnes, je considérerais cela comme un échec. Pourtant, loin de moi l’idée qu’il faille déplaire au moment où je fais ce que je fais.

– Je pense que ce que je fais est spirituel, il peut être apprécié par celles et ceux qui possèdent une information suffisante pour atteindre au spirituel, qui est désormais étranger à toute religion, à toute gouvernance.

– Ce que je fais n’est pas une communication. Il ne s’adresse pas aux hommes et, de toute manière, je ne les entends pas lorsqu’ils regardent ce que je fais, car il n’y a de communication que lorsqu’il y a un échange, une écoute mutuelle. Il n’y a pas d’écoute au moment de regarder une oeuvre d’art, il y a uniquement l’oeuvre que nous regardons et nous-mêmes. L’oeuvre ne nous regarde pas, elle regarde l’Ailleurs. Je ne conçois même pas que l’on puisse regarder véritablement quoi que ce soit du domaine de l’art auquel j’aspire, en compagnie d’un tiers.

– Ce que je fais n’a pas de finalité esthétique. J’aimerai me départir de l’idée que je fais de l’art lorsque je fais quelque chose dans mon atelier. Seul le processus doit guider mes recherches. Le processus est le commencement, mais plus qu’un début, il est une recherche du début.

– La qualité de ce que je fais ne peut être modifiée par les conditions de son exposition, ni par le nombre de gens qui la verront.

– Ce que je fais est une réalité parallèle.

– Ce que je fais ne dépend pas du tout d’un « génie du lieu », ce n’est ni wallon, ni belge, ni européen, c’est universel.

– Ce que je fais n’enregistre rien de ce qui se passe dans la société, ce n’est pas son rôle. S’il en témoignait, ce serait anecdotique, déconnecté de la fonction unique qu’il doit avoir : créer.

– Ce que je fais c’est m’inventer une expression qui me soit propre.

– …

José Strée
Le 23 avril 2011

J. Strée,  Personne énigmatique assise,  2012

J. Strée
Personne énigmatique assise,
2012