Giorgio Rubino

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Le monde ligneux de Giorgio Rubino

Les sculptures en bois de Giorgio Rubino naissent d’une façon tendre et persévérante, par retrait de matière, par pénétration au cœur du solide, par cheminement au gré des fibres, par l’usure progressive, allant par endroit jusqu’à l’ouverture, faisant alors naître un espace vide au profond d’un espace creux. Il résulte de son patient processus, des structures proches de celle d’une éponge marine qui serait excavée, ou de celle, biomorphique des os, des cartilages, des arêtes et des galbes que crée la nature quand elle dresse l’armature autour de laquelle s’accroche le vivant.

Ce que l’on ressent à l’approche de ses sculptures, c’est à la fois une impression de douceur attractive et de mise en garde, comme au sein des fonds marins où l’ondoiement inoffensif côtoie le danger. Le piquant et le tranchant s’harmonisent avec les incurvations, les concavités, les espaces dégagés, dans des épousailles que créent les torsions, les inflexions, les mouvements, les appuis…
On songe également à ces pelards que l’on découvre en forêt, ces bois dont on a enlevé l’écorce et dont il ne reste que de fantomatiques et fragiles échardes, que l’on emporte parfois, ou même que l’on collectionne.

Dans l’atelier, rudimentairement équipé et chauffé, une quête incessante de l’équilibre se joue avec les seuls marteaux et gouges, papiers de verre, cotons, huiles et tissus. Je songe au philosophe Spinoza (épine en portugais) qui au 17e siècle, pour subsister après avoir été banni par sa communauté, polissait patiemment des verres à lunettes et à télescopes, refusant toute rente de ses fortunés sympathisants. Séances lentes et patientes qui donnaient au réformateur religieux le temps de méditer la direction à donner à ses pensées. Au sein de la réserve de poutres d’ébène, de noyer, de wengé, de tamarinier, d’if, d’afzelia doussié, de buis ou de merbau, la pièce de bois serrée dans l’étau s’amenuise très lentement, avant que ne s’impose la nécessité d’un positionnement. Car la verticalité n’est pas la dominante systématique de sa recherche, l’inclination suggérant l’envol ou l’échappée, les formes couchées évoquant des corps amoureux font partie de l’éventail des possibles de ce monde de formes. Oui un monde, il s’agit bien de cela, un monde tiré d’un univers, non par la force, mais par la douceur, la suavité et la délicatesse. Quel prodige permet qu’une attitude comme celle de cet artiste, empreinte de flegme, permette la naissance d’œuvres nécessitant une telle persévérance ?

José Strée
le 4 janvier 2022

Giorgio Rubino

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