Passages

Jean-Pierre Bronze est un peintre que la matière stimule, chez qui les noirs et les bruns s’invitent eux-mêmes à la fête des couleurs, et pour qui le dessin, aussi ténu soit-il, demeure souvent ce par quoi se révèle le sens de chaque œuvre. Doué d’une imagination extravagante, d’une maîtrise picturale qui ne tient qu’à lui, ce peintre se méfie du savoir faire. En passant d’un matériau à l’autre, il cherche toujours à repousser ses propres limites, à se surprendre lui-même. Il accueille volontiers le défaut, la maladresse, le hasard, l’incident de parcours… qui le conduisent au cœur de son univers constitué d’êtres et d’animaux fantomatiques, de lieux indéfinis.

Son inspiration, c’est dans la littérature contemporaine qu’il la trouve essentiellement, ou parfois dans des bestiaires fourmillants. Pour le reste, c’est dans le processus même de son travail qu’elle se situe : boursouflures, matières racornies, giclures, coulures, collages, décollages, brillances, matités, textures, transparences… lui indiquent les voies de créations à explorer.

C’est à une poésie sourde, poignante et pathétique que ce peintre nous convie de nous laisser happer. Son monde, pour inquiétant qu’il paraisse, est nourri d’humanisme et de tendresse. Il y accorde une attention particulière aux événements psychiques de son enfance, il y évoque ses liens parentaux, il y traduit aussi notre possible accession à la délivrance.

Il évoque les passages que sont la naissance et la mort, la transformation des choses et l’inéluctable processus qui conduit l’humain à s’incarner, à éprouver la vie comme une descente obligée à travers les miasmes de l’existence. Il est donc question en cette peinture figurative de franchissements, de traversées, de trouées dans l’épaisse matière pour accéder à la lumière sous-jacente dont l’artiste sait confusément qu’elle ne peut être que l’alpha et l’oméga de toute chose.

D’autre part, le processus même de l’acte de peindre chez Jean-Pierre Bronze, outre la considération figurative, est une sorte de terrain d’expérimentations en perpétuelle transformation. Au cours du travail, des matériaux apparaissent et disparaissent, des changements d’états de matières, telle la cire d’abeilles, attestent encore que rien n’est figé, qu’une brillance peut devenir matité, que l’œuvre comme l’homme font l’épreuve de la transformation dès l’instant qu’ils affleurent à la surface de la vie.

José Strée
Mai 2012

Oeuvre de Jean-Pierre Bronze,  Sans titre, 2012

Oeuvre de Jean-Pierre Bronze,
Sans titre, 2012